Et après ?

Et après l'annonce on fait quoi? que se passe t'il lorsque le sol s'est ouvert sous vos pieds? lorsque votre coeur est en miettes? lorsque vous avez l'impression qu'on vous a assassiné? que les questions vous assaillent nuit et jour, chaque minute, chaque seconde?

Après il faut faire face, faire semblant souvent, entendre sans écouter, sombrer pour espérer remonter, trouver la force de se lever, de se faire aider...

Accepter que le train de la vie a continué d'avancer alors que la votre de vie s'est arrêtée, qu'il va falloir remonter dans le train. J'ai souvent employé cette image lorsque j'ai repris le travail, j'ai alors repris mes habitudes avec bébé poussin et j'ai eu l'impression de remonter dans le train là où il s'était arrêté en laissant sur le quai mon âme soeur tout en sachant pertinemment que c'est un aller sans retour. La routine revient mais elle ne sera jamais pareil, on sursaute au moindre bruit de voiture, à la moindre chose qui nous rappelle l'être disparu.

Après c'est aussi recevoir de nombreux conseils de gens qui nous veulent du bien mais qui ne comprennent pas (et a qui on souhaite de ne jamais le comprendre) qui nous disent la vie continue, tu vas refaire ta vie, tu es jeune, le deuil c'est un an, ça ira mieux, le temps va apaiser ta douleur et tellement d'autres phrases toutes faites mais qui n'ont pas l'effet escompté car elles ne sont pas vraies.

On ne peut pas refaire notre vie, on peut tout au moins tenter de la continuer, d'avancer tant bien que mal.

Le temps n'apaise pas la douleur, elle devient partie de nous, on apprend à la contrôler, à vivre avec, elle est notre quotidien.

Un an pour faire un deuil est une durée toute faite, mais nous sommes toutes et tous différents, qui peut prédire l'avenir, et si avant un an on se sent mieux face à ce deuil faut il se culpabiliser? et au contraire si au bout d'un an on ne va pas mieux faut il s'en vouloir? Non, le deuil est personnel, chaque décès à son histoire ses conséquences, chaque personne sa personnalité son passé, chacun prendra le temps qu'il lui faudra.

Je suis jeune certes, 30 ans c'est le bel âge, mais ce n'est pas pour autant que cela est moins dur car il faut faire le deuil d'un avenir. Accepter que ce qu'on avait construit pour l'avenir n'existe plus, qu'il faut tout réinventer, seule, ou avec son ou ses enfants. Et le deuil de cet avenir est tout aussi dur que celui de la vie passée, il est tout aussi angoissant, ce qui était construit nous rassurait, nous savions où nous allions, et d'un coup plus rien, l'avenir devient un point d'interrogation.

S'agissant du suicide d'autres situations seront à gérer dans l'après, nos questions sans réponses, mais aussi et surtout la curiosité parfois malsaine des autres, de ceux qui disent nous vouloir du bien. Combien de fois mais-je entendu "mais ça allait bien dans votre couple?", "tu n'as rien vu venir?", "il était dépressif?"... Pensez vous, vous les "autres", que si je m'en étais doutée un seul millième de secondes je n'aurai pas remué ciel et terre pour que cela n'arrive pas? que si j'avais perçu un signe de dépression chez lui je n'aurai pas agi? et enfin oui mon couple allait bien, comme dans tout couple des disputes, en l'occurence une un peu plus forte que les autres quelques jours avant, mais en me demandant cela vous ne faites que raviver le sentiment de culpabilité qui me tue à petit feu depuis l'annonce...

L'annonce du décès anéanti votre vie passée, brise votre coeur, et vous oblige à construire un nouvel avenir doucement. J'ai souvent dit que j'avançais souffle après souffle, pas après pas, chaque pas en avant de fait même s'il y a des pas en arrière on s'en rappellera.

Parfois, souvent même, quelques semaines , quelques mois plus tard notre peine dérange, on nous fait comprendre qu'il est temps de se reprendre. Mais se reprendre de quoi? la douleur ne disparaitra jamais, elle fera partie de nous à vie telle une cicatrice.

L'après devient notre présent et notre avenir. Alors vous, les "autres" ne soyez pas trop exigeant envers nous, laissez nous le temps de gérer cette annonce, d'accepter notre après. Soyez présent sans trop l'être, laissez nous pleurer tant que nous aurons besoin, tendez nous le mouchoir qui séchera nos larmes, ne dites pas que vous comprenez car ce n'est pas le cas, ne nous dites pas ce que vous feriez, vous ne le savez pas vous même et enfin gardez votre main tendue pour quand nous seront prêt à la prendre.